IL PROVVEDIMENTO E' IN FRANCESE (in via di traduzione)
Communiquée le 27 avril 2016
PREMIÈRE SECTION
Requêtes nos 54414/13 et 54264/15
EXPOSÉ DES FAITS
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.
1. Le contexte de l’affaire
L’« Ilva » est une société par actions dont l’activité consiste en la production et la transformation de l’acier. L’établissement italien le plus important est situé dans la ville de Tarente et constitue le plus grand complexe industriel pour le traitement de l’acier en Europe.
Depuis plusieurs années, l’usine Ilva est au centre d’un débat important concernant l’impact de ses émissions sur la santé des personnes et sur l’environnement.
2. Les faits des causes
Les faits décrits ci-dessous ont été repris de l’ensemble des deux requêtes en objet. D’autres éléments pertinents
figurent dans la partie « Le droit et la pratique internes et européens pertinents » et ont été repris de l’affaire Smaltini c. Italie (no 43961/09, déc., 24 mars 2015).
a) Les données concernant l’impact environnemental de l’usine à partir de 2001
En 2001, le registre INES (Inventaire national des émissions et de leurs sources) fut créé.
En 2003 et 2004, plusieurs accords (atti d’intesa) furent stipulés entre l’Ilva et les administrations locales et régionales afin de prévoir des mesures visant à l’amélioration de l’impact environnemental de l’usine.
En 2007, la première campagne de monitoring des émissions de dioxine dans l’une des cheminées de l’usine vit le jour.
Un rapport de 2008 fit état de ce que les émissions de benzopyrène étaient supérieures aux limites autorisées dans le quartier de Tamburi (Tarente).
b) Les lois et mesures régionales adoptées en raison de la contamination par la dioxine
Par la loi no 44 du 19 décembre 2008, la Région des Pouilles fixa pour la première fois les limites d’émission de dioxine autorisées.
Par deux délibérations de 2008, le conseil régional (giunta regionale) institua un registre des tumeurs enregistrées dans la Région des Pouilles et prévit des interventions afin de tenir sous contrôle le niveau de contamination par la dioxine des élevages dans la Province de Tarente,
Un rapport de l’ARPA (Agence nationale pour la prévention et la protection de l’environnement) de 2010 fit état de la contamination par la dioxine de la viande animale, susceptible de rentrer dans la chaîne d’alimentation humaine. Ainsi, les autorités régionales ordonnèrent l’abattage de presque 2000 têtes de bétail, interdirent le pâturage et ordonnèrent la destruction de foies d’ovins et de caprins dans un rayon de 20 km à partir de l’usine.
Par le décret no 155 du 13 août 2010, le délai pour l’atteinte des limites de production polluantes autorisées fut prorogé jusqu’en 2013.
Dans la loi régionale no 3 du 28 février 2011, la région des Pouilles établit que, dans le cas de dépassement du seuil accepté d’émission de benzopyrène, le rétablissement des valeurs autorisées devait être atteint « dans les plus brefs délais ».
c) Les procédures pénales ouvertes à l’encontre des dirigeants de l’Ilva
Plusieurs procédures pénales furent ouvertes à l’encontre des dirigeants de l’Ilva pour désastre environnemental, empoisonnement de substance alimentaires, omission de prévention d’accidents sur le travail, dégradation de biens publics, émission de substances polluantes et pollution atmosphérique. Certaines de ces procédures aboutirent à des condamnations (en 2002, 2005 et 2007).
Au mois de juillet 2010, une autre procédure fut ouverte par le procureur de la République de Tarente à l’encontre des dirigeants de l’Ilva pour désastre environnemental. Cette procédure est actuellement pendante.
Le 5 avril 2013, un groupe de personnes, dont la requérante Mme Daniela Spera (indiquée au no 43 dans la liste en annexe, requête no 54414/13), introduisit une plainte auprès du parquet de Tarente se plaignant des émissions polluantes de l’Ilva et des effets de celle-ci sur l’environnement et la santé des personnes. Selon les informations résultant du dossier, cette procédure est encore pendante.
d) Les mesures de saisie conservatoire du juge pour les investigations préliminaires de Tarente
Le 30 mars 2012, le juge pour les investigations préliminaires de Tarente (« le juge ») ordonna deux expertises, une chimique et, l’autre, épidémiologique, afin d’évaluer l’impact des émissions de l’usine sur l’environnement et la santé des personnes.
Selon le premier rapport, l’Ilva produisait des gaz et vapeurs dangereux pour la santé des travailleurs et pour la population locale. En outre, l’usine n’avait pas respecté les mesures établies afin d’éviter la dispersion de fumées et poudres nocives et les valeurs de dioxine, benzopyrène et d’autres substances dangereuses pour la santé n’étaient pas conformes aux dispositions régionales, nationales et européennes.
Quant au rapport d’expertise épidémiologique, celui-ci fit état d’une augmentation des pathologies cardiovasculaires, respiratoires et cancéreuses en raison des émissions polluantes produites par l’Ilva.
Sur la base de ces rapports, le 25 juillet 2012, le juge ordonna la saisie conservatoire de six ateliers de l’usine. Cette mesure fut confirmée par une décision du juge du réexamen du tribunal de Tarente le 7 août 2012.
Le 26 novembre 2012, le juge adopta une mesure de saisie conservatoire concernant l’acier produit par l’usine à partir de la date de la première saisie conservatoire.
Le 30 novembre 2012, le juge rejeta une demande de levée de la saisie conservatoire introduite par l’Ilva notant, par ailleurs, que l’adoption de l’« autorisation environnementale intégrée » (« AIA ») de la part du ministère de l’Environnement (permettant à l’Ilva de continuer son activité à condition qu’elle respecte certaines règles de production – voir ci-dessous) méconnaissait les exigences d’intervention urgente pour la tutelle de la population locale.
e) Le fond pour les interventions d’assainissement
Entre-temps, le 26 juillet 2012, les ministères de l’Environnement, des Infrastructures et des Transports, du Développement Économique et pour la Cohésion territoriale, la Région des Pouilles, la Province et la Mairie de Tarente et le commissaire extraordinaire du port de Tarente signèrent un accord afin d’accomplir des interventions urgentes d’assainissement de la ville de Tarente. Un fond d’un montant de 336 668 320 euros (EUR) fut prévu à cet effet.
f) Les AIA (« Autorisations environnementales intégrées »)
Entre-temps, le 4 août 2011, le ministère de l’Environnement approuva la première AIA, permettant à l’Ilva de continuer son activité de production, pourvu que des mesures visant à diminuer l’impact des émissions polluantes de l’usine sur l’environnement soient adoptées.
Le 27 octobre 2012, la version originaire de l’AIA fut modifiée et des nouvelles conditions furent fixées. Celles-ci reprenaient les mesures de tutelle de l’environnement et de la santé contenues dans la première décision de saisie conservatoire et concernaient notamment le respect des limites d’émissions, des normes applicables en matière de santé et sécurité et l’obligation de transmettre un rapport trimestriel concernant l’application des mesures nécessaires à atteindre les résultats d’amélioration de l’impact environnemental de l’usine. Selon les requérants, les délais requis pour l’exécution des conditions de sauvegarde étaient beaucoup plus amples par rapport à ceux prévus dans les mesures judicaires.
g) Les décrets dits « salva-Ilva »
Par sept décrets, adoptés entre le 3 décembre 2012 et le 4 juillet 2015, compte tenu de la priorité économique et stratégique de l’usine sur le plan national, le Gouvernement autorisa la continuation de l’activité de production de celle-ci, à condition que les règles fixées par l’AIA soient respectées. Ces décrets furent ensuite convertis en lois.
h) Le recours devant la Cour constitutionnelle
Par une ordonnance du 22 janvier 2013, le juge pour les investigations préliminaires de Tarente introduisit un recours devant la Cour constitutionnelle faisant valoir qu’il y avait eu ingérence du pouvoir législatif dans le cadre d’une procédure judiciaire déjà instaurée.
Par un arrêt déposé le 9 mai 2013, la Cour constitutionnelle rejeta ce recours.
i) La procédure d’administration extraordinaire
Compte tenu de la situation de débâcle financière, à partir du 3 juin 2013, l’Ilva fut administrée par un commissaire extraordinaire nommé par le Gouvernement. Le 21 janvier 2015, la société fut admise à une procédure d’administration extraordinaire.
B. Le droit et la pratique internes et européens pertinents
Les parties pertinentes du droit et de la pratique internes et européens exposés dans l’affaire Smaltini c. Italie (précité), ajournées dans leurs parties pertinentes, sont reportés ci-dessous.
1. L’approbation du plan de dépollution du territoire de Tarente
Par une délibération du 30 novembre 1990, le Conseil des Ministres classa le territoire de la province de Tarente parmi ceux « à haut risque environnemental » et demanda au ministère de l’Environnement de mettre en place un plan de dépollution en vue de son assainissement.
Par un décret du 15 juin 1995, le ministère de l’Environnement institua une commission composée de membres du Gouvernement, de la Région des Pouilles et des institutions locales afin de recueillir les données nécessaires pour la réalisation dudit plan. Le décret faisait référence au rapport du Centre européen de l’environnement et de la santé, organisme de l’Organisation mondiale pour la Santé (« OMS »), publié en 1997 (voir le paragraphe 26 ci-dessous). Le ministère ordonna entre autres la réalisation d’études épidémiologiques et la création d’un « registre des tumeurs »
visant à recueillir des données statistiques concernant le développement des pathologies tumorales dans le territoire concerné.
Par décret no 196 du 30 novembre 1998, le Président de République approuva le plan de dépollution. Il observa entre autres que, dans les sites industriels implantés dans la province de Tarente, les émissions dans l’air et dans les eaux devaient être réduites.
2. Les rapports de l’Organisation mondiale pour la Santé (OMS)
Le rapport du Centre européen de l’environnement et de la santé, organisme de l’OMS, publié en 1997, fait état de la situation de risque pour la santé de la population vivant dans la région de Tarente dérivant des conditions environnementales relativement à la période 1980-1987.
Un autre rapport du même Centre fut publié en 2002. Celui-ci, contient une mise à jour des résultats du premier rapport, jusqu’à 1994, et fait état d’un taux de mortalité pour tumeurs chez les hommes dans la région de Tarente supérieur de 10,6 % par rapport au taux régional. Chez les femmes, le rapport indique un risque de mortalité plus élevé que la moyenne régionale, entre autres pour causes tumorales. Le texte intégral dudit rapport n’a pas été produit par les parties. Aucune référence spécifique n’a pu être repérée quant aux différents types de tumeurs en cause.
3. Les études épidémiologiques
En 2009, une étude épidémiologique fut publiée (« Analyse statistique de l’incidence de certaines pathologies cancéreuses dans la province de Tarente, 1999-2002 » - EP année 33 (1-2) janvier-avril 2009).
Celle-ci mit en évidence une augmentation des tumeurs du poumon, de la vessie et de la plèvre chez les hommes.
4. Le rapport de l’Institut Supérieur de la Santé « Environnement et santé à Tarente : preuves disponibles et indications de santé publique », 22 octobre 2012
La rédaction de ce rapport (dénommé aussi rapport SENTIERI – Studio Epidemiologico Nazionale del Territorio e degli Insediamenti Esposti a Rischio Inquinamento) a été coordonnée par l’Institut Supérieur de la Santé à la demande du ministère de la Santé. Son objectif était de formuler des recommandations quant aux interventions nécessaires en matière de santé publique sur la base des données relatives aux causes de mortalité dans la ville de Tarente relativement à la période 1995-2009.
Ce rapport fait état de la pollution environnementale existant dans la région de Tarente et indique que la cause de celle-ci réside, entre autres, dans les émissions de l’usine Ilva. Les études effectuées soutiennent la thèse de l’existence d’un lien de causalité entre l’exposition environnementale à des substances cancérogènes inhalables et le développement de tumeurs des poumons et de la plèvre et de maladies cardiaques en fonction de la distance du lieu de résidence des personnes concernées par rapport aux sites d’émissions nocives pris en considération.
Plus en détail, le rapport montre que les causes de décès des hommes sont en excès par rapport à la moyenne régionale et nationale en ce qui concerne les tumeurs (poumons et plèvre), les formes de démence, les maladies du système circulatoire et du système gastro-intestinal, le mélanome, le lymphome « non Hodgkin » et la leucémie myéloïde.
Quant aux femmes, le rapport montre que les causes de décès sont en excès par rapport à la moyenne régionale et nationale pour ce qui est des pathologies suivantes : tumeur du foie, du poumon et de la plèvre, lymphome « non Hodgkin », maladies du système circulatoire et du système gastro-intestinal et le myélome multiple.
5. Le rapport de l’Institut Supérieur de la Santé « Mortalité, taux de cancers et hospitalisation dans les sites d’intérêt national pour l’assainissement », 14 mai 2014
Cette étude (dénommé aussi rapport SENTIERI) a concerné différents sites d’intérêt national pour l’assainissement, parmi lesquels, la ville de Tarente.
Selon celle-ci le taux de mortalité dans cette zone est en général en excès par rapport à la moyenne régionale, tant chez les hommes que chez les femmes et les enfants.
Les pathologies mortelles sont, parmi d’autres, les maladies infectieuses, le cancer du foie, du poumon, le mésothéliome de la plèvre et les pathologies respiratoires aigües.
Le nombre d’hospitalisations pour les cancers et les pathologies du système cardio-circulatoire est aussi en excès par rapport à la moyenne régionale.
6. Les mesures de l’Union européenne
a) L’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 31 mars 2011 (affaire C-50/10)
Par un arrêt du 31 mars 2011, la Cour de Justice de l’Union Européenne conclut que la République italienne avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de la directive 2008/1/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la prévention et à la réduction intégrée de la pollution.
La Cour de Justice souligna que la République italienne avait omis d’adopter les mesures nécessaires pour que les autorités compétentes veillent à ce que les installations industrielles soient exploitées conformément à un système d’autorisations prévu par cette même directive.
b) L’avis motivé de la Commission Européenne du 16 octobre 2014
Dans le cadre d’une procédure d’infraction ouverte à l’encontre de l’Italie, le 16 octobre 2014, la Commission européenne émit un avis motivé demandant à l’Italie de remédier aux graves problèmes de pollution observés sur le site de l’Ilva de Tarente. Elle observa que l’Italie avait manqué aux obligations de garantir la conformité de l’aciérie avec la directive sur les émissions industrielles (directive no 2010/75/UE, ayant remplacé la directive 2008/1/CE à partir du le 7 janvier 2014).
La Commission constata que le niveau élevé des émissions résultant du processus de production de l’acier n’avait pas baissé et que des fumées denses de particules et des poussières industrielles se dégageaient du site, avec des conséquences graves pour l’environnement et la santé de la population locale. La Commission releva aussi que des tests avaient révélé l’existence d’une forte pollution de l’air, des sols et des eaux de surface et souterraines sur le site de l’Ilva ainsi que dans les environs de la ville de Tarente.
Les requérants se plaignent de ce que l’État a manqué d’adopter toutes les mesures juridiques, règlementaires et d’information de la population visant à protéger l’environnement et leur santé, notamment à la lumière des éléments résultant du rapport d’expertise rédigé dans le cadre de la procédure de saisie conservatoire et des rapports SENTIERI. De plus, à travers les décrets dits « salva-Ilva », le Gouvernement a autorisé la continuation de l’activité de l’usine. Invoquant les articles 2 et 8 de la Convention, ils dénoncent que leurs droits à la vie et à leur vie privée ont été donc violés.
Sur la base de l’article 13 de la Convention, ils se plaignent en outre de ne pas bénéficier d’un recours effectif pour soulever ces griefs sur le plan interne...
QUESTIONS AUX PARTIES
1. Le droit des requérants à la vie, consacré par l’article 2 de la Convention, a-t-il été violé en l’espèce ?
2. Y a-t-il eu atteinte au droit des requérants au respect de leur vie privée, au sens de l’article 8 § 1 de la Convention ?
3. Les requérants avaient-ils ou elles à leur disposition, comme l’exige l’article 13 de la Convention, un recours interne effectif au travers duquel ils ou elles auraient pu formuler leurs griefs de méconnaissance de la Convention ?
ANNEXE : REQUETE NO 54414/13
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